L’islam « light » selon Vincent Geisser

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L’ « Islam light » selon Vincent Geisser, par Caroline Fourest
LeMonde.fr 19.6.09

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Le monde des chercheurs est en émoi. L’un d’entre eux, Vincent Geisser, connu pour ses prises de position polémiques en faveur de l’islam radical, est convoqué par le conseil de discipline du CNRS. Un contentieux l’oppose à un ingénieur général du CNRS chargé de la « sauvegarde du patrimoine scientifique », Joseph Illand. Son poste exact ? FSD : fonctionnaire de sécurité de défense. La fonction existe depuis 1986, mais on la découvre à l’occasion de ce litige. Son périmètre est flou. Il s’agirait de veiller à « la sécurisation des intérêts fondamentaux pour la nation », notamment la « défense et la sécurité publique », à l’intérieur des « activités du CNRS ». Ce qui implique visiblement de surveiller les chercheurs travaillant sur l’islam lorsqu’ils se déplacent dans des pays sensibles comme l’Afghanistan ou l’Iran, mais pas seulement.

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Joseph Illand est entré en conflit avec Vincent Geisser au sujet d’une enquête fondée sur un questionnaire ethnique, que le chercheur menait au mépris de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Il serait également intervenu dans le cas d’une doctorante musulmane, renvoyée d’un laboratoire en génétique moléculaire pour « trouble à l’ordre public et atteinte à la liberté de penser de ses collègues ». Dans un courriel destiné à soutenir cette étudiante, Geisser laisse éclater sa colère contre Joseph Illand, comparé à un nazi : « Un idéologue qui traque les musulmans et leurs « amis » comme, à une certaine époque, on traquait les juifs et les Justes. » Une correspondance privée, interceptée par le fonctionnaire, qui porte plainte pour diffamation et le fait convoquer.

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Interpellée par de nombreux chercheurs, Valérie Pécresse s’est engagée à suivre ce litige en « veillant à la liberté d’expression des chercheurs ». C’est heureux. Un membre du CNRS n’a pas à rendre des comptes sur un mode disciplinaire pour un courriel ni même pour ses prises de position, si polémiques soient-elles. Et elles le sont.

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En fait de « contribution scientifique », l’essentiel des travaux de Vincent Geisser consiste à stigmatiser toute personne critique envers l’intégrisme musulman comme étant « islamophobe » (SOS-Racisme, des journalistes, et même le recteur de la Mosquée de Paris), tout en répandant des clichés sur les musulmans laïques sur les sites islamistes. Le vrai musulman serait celui qui ne renonce pas à porter le voile ou à faire le ramadan comme l’exige la République laïque « assimilationniste ». Geisser parle même de « national-laïcisme » à propos de la loi sur les signes religieux à l’école publique… A l’inverse, le moindre musulman éclairé est raillé comme faisant partie de l' »Islam light », un « produit qui se vend bien ». Ayaan Hirsi Ali ou Irshad Manji, menacées de mort par les islamistes, sont décrites comme des « poupées Barbie de l’Islam light », que l’on favorise par « érotisme victimaire ».

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Autant dire que Vincent Geisser est l’un des chercheurs favoris des musulmans non « light » : les Frères musulmans, la mouvance tunisienne autour de Ghannouchi, les fidèles de Tariq Ramadan et de l’UOIF. Il donne des conférences devant des publics où l’on sépare les hommes des femmes, et contribue très régulièrement au site Oumma.com. Un site agressif envers les opposants à l’intégrisme, auquel il participe par des chroniques vidéo et de nombreux articles signés de la mention CNRS. Il en a le droit. Comme il a le droit au respect de sa correspondance privée, donc de ses e-mails. En revanche, ses idées peuvent difficilement revendiquer leur « scientificité » sans être questionnées.

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Parmi ses soutiens, certains parlent de l' »affaire Geisser » comme d’une « affaire Redeker ». Rappelons que ce dernier risquait la mort et a dû quitter son poste. Vincent Geisser, lui, risque au mieux une remontrance. Que ses collègues inquiets se rassurent. L’Etat continuera de le rémunérer pour fournir des articles à des sites où l’on incite à la haine contre les esprits critiques.

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Caroline Fourest

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création, juin 2009